
Des idoles à La Mecque
Lorsque le Prophète ﷺ reprit définitivement la Ville Sainte des mains des polythéistes, peu avant la fin de la Révélation, il y détruisit alors les quelque 360 idoles reposant dans la Kaaba.
L’une d’elle, Hubal, sorte de ‘’dieu lunaire’’, d’ailleurs invoquée selon un récit par Abī Sufyān ibn Harb après sa défaite à la bataille de Badr, y fut comme tant d’autres, réduite en poussière. Elle fut avant cela, et durant des siècles, l’une des plus importantes idoles invoquées, et ce, depuis son introduction dans la maison d’Ibrāhīm par le fameux ‘Amr ibn Luḥayy al Khuzā’ī. Fameux, car cité en personne par le Prophète Muḥammad, dans un hadith que voici :
‘’J’ai vu Amr ibn ‘Amir al-Khouzai traîner ses entrailles en enfer : il fut le premier à déclarer des animaux tabou’’ (1). Voyageant, en une époque préislamique incertaine, au Sham, il aurait alors rencontré des polythéistes le convaincant de la puissance des idoles qu’ils adoraient : ‘’Il leur demanda : « Que faites-vous ? » Ils répondirent : « Ce sont des idoles ! » Il demanda : « Que faites-vous avec ? » Ils répondirent : « Nous les adorons » Il demanda : « Pourquoi ? » Ils lui répondirent : « Nous leur implorons le secours, et ils nous secourent. Nous leur demandons la pluie, et ils nous la donnent » Il demanda : « Ces idoles vous donnent la pluie et vous portent secours ? » Ils confirmèrent en disant : « Oui, nous le constatons depuis de nombreuses années. » Il demanda : « Pourriez-vous m’en donner une ?’’ Lui offrant Hubal, et revenant en sa compagnie à La Mecque, les Mecquois s’étonnèrent et lui dirent : « Mais que fais-tu ô ‘Amr ? » Il répondit : « c‘est une idole que j’ai rapportée du Sham. Nous l’adorons. Nous implorons leur secours, et ils nous secourent. Nous leur demandons la pluie, et ils nous la donnent » Les Quraych dirent : « Quoi ? Une idole qui vous secourt et vous donne la pluie ? » Il répondit : « Parfaitement »’’ (2).
Il est aussi fait mention dans d’autres sources, qu’il avait un compagnon parmi les djinns l’informant de la présence à Djeddah, des statues représentant Wadd, Suwaa, Yaghout, Ya’ouq et Nasr. Les ramenant avec lui, il les distribua entre les tribus qui s’étaient mises à les adorer. Ce sont les mêmes idoles citées dans le Coran. D’après le savant et historien Ibn Kathir, al Khuzā’ī aurait instauré aussi le culte de Isaf et Naïla, ce couple de Yéménites dont le mariage fut refusé par le père de la femme, et qui, profitant d’un moment où les lieux furent vides de gens, forniquèrent dans la Kaaba. Encourant la colère du Créateur, ils auraient été pétrifiés afin de servir d’avertissement. ‘Amr, aurait ensuite fait de sorte que les gens oublient ce récit et aurait commandé à ce que la statue d’Isaf soit placée sur le mont Aş-Şafā, et celle de Naïla sur Al Marwa. (3) Pour l’anecdote, c’est pour cette raison que des compagnons eurent au début quelques réticences à accomplir ce passage entre les deux monts, lors du pèlerinage, faute d’avoir été trop longtemps une pratique propre aux polythéistes. Toujours d’après Ibn Kathir, il aurait également été l’instigateur de nouvelles normes alimentaires, dont la Wasila, la Bahira, le Hami et la Sa’iba, encore citées dans le Coran. (4)
Aujourd’hui, Hubal, l’idole citée plus haut, est souvent utilisée dans le jargon de certains mouvements armés, désignant les fausses idoles modernes. Les pontes d’Al Qaïda usant de ce nom lorsqu’ils citent notamment l’Amérique. Au contraire, certains mouvements évangélistes ont lancés l’idée qu’Hubal ne serait autre que le dieu lunaire que les musulmans adoreraient toujours sous le nom d’Allāh… Alterateur de la religion d’Ibrāhīm, il ne fut bien évidemment pas le seul des polythéistes à contribuer au développement de l’association divine en Arabie. Ibn Is’haq rapporte même qu’avant cela, des gens avaient déjà pris l’habitude d’emporter avec eux, quand ils partaient de la Mecque, des pierres prises dans le sanctuaire sacré (al haram) en leur témoignant le même respect que celui qui était dû à la Kaaba. Une habitude qui se mua, chez certains, en adoration des dites pierres, au fil des générations. (5)
Renaud K.
(1) Al Bukhari, (4623)
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/’Amr_ibn_Luhay
(3) ibn Kathir, As-Sîra, éditions Universel, p.57. Paris, (2007)
(4) ibn Kathir, As-Sîra, éditions Universel, p.52. Paris, (2007)
(5) As-Sîrat un-nabawiyya, Ibn Hishâm, (1/70)

Al Bukhari, ce savant du Hadith

1399 de l'hégire, année du changement
Vous aimerez aussi

Le prince Charles et l’Islam
23 novembre 2021
L’islam et ses femmes savantes
15 décembre 2017