
1399 de l’hégire, année du changement
Correspondant à l’année 1 979 du calendrier chrétien, il s’est passé à la veille de l’entrée dans le 15ème siècle de l’hégire de nombreux événements phares et assurément décisifs quant aux lendemains du monde arabo-musulman. Nous avons d’abord entre l’Irak et l’Iran les prémisses d’un conflit à venir. En l’espace de quelques semaines, on comptabilise en effet pas moins de 57 incidents et violations de l’espace aérien irakien par l’Iran. Face à la menace que représente déjà ce dernier, l’Arabie Saoudite signe cette année avec l’Irak un accord de sécurité lui imposant le devoir de défendre l’Arabie en cas d’attaque de l’Etat chiite. L’Arabie changera radicalement de cap une dizaine d’années plus tard en permettant aux soldats américains d’envahir l’Irak après que celui-ci ait attaqué le Koweït. Les accords de Camp David signés peu avant, c’est aussi l’Égypte de Sadate qui finit par s’entendre avec Israël. Un traité bilatéral est signé entre eux, l’Egypte reconnaît officiellement et après des années de guerre Israël comme un Etat. La coalition arabe perd là son soutien principal et si le Sinaï est restitué à l’Egypte, la question des territoires jordaniens et syriens occupés par l’entité sioniste comme l’invasion progressive de la Cisjordanie et de Gaza sont occultées. Le statut de Jérusalem n’est lui non plus pas défini. Lourd en symbolique, ce traité coûtera entre autres la vie au président égyptien par la suite, tué à bout portant par un commando armé en plein défilé militaire commémorant la guerre de Kippour. Le Liban, jeune pays “créé” par la France quelques décennies plus tôt, voit sa partie sud s’autonomiser. L’insurgé chrétien Saad Haddad, fondateur de l’Armée du Liban Sud et fidèle allié d’Israël, fait en effet cessation et proclame la création d’un Etat du Liban-Sud lors de cette année. Les forces syriennes sont contraintes au repli et commencent dès lors à ne plus pouvoir s’imposer comme force majeure dans la région, laissant place à l’armée sioniste qui ne va se retirer que 21 ans plus tard. Le Liban va dès lors s’enfoncer dans la violence, jusqu’à sombrer dans la guerre civile la plus totale ensuite. En Syrie, le régime de l’alaouite et père de Bachar al-Assad, Hafez al-Assad, organise une rafle de près de 6 000 militants “islamistes” après un attentat ayant coûté la vie à 83 étudiants alaouites de l’École d’artillerie d’Alep. La résistance islamique s’implante alors plus que jamais, tentant de déjà venir à bout du régime, qui fera 3 ans plus tard tuer près de 30 000 personnes rien qu’à Hama, ville tenue alors par les Frères Musulmans. Saddam Hussein, alors militaire de haut rang parvient à prendre le pouvoir en Irak. D’abord fervent laïque et membre du parti Baath, les Américains, qui voyaient en lui un sérieux opposant au régime iranien, vont dans un premier temps le soutenir. Leader du panarabisme, tout au long des années 80, il fera de l’Irak une puissance locale forte, après s’être débarrassé de l’opposition chiite et fait la guerre à l’Iran voisin. Les Soviétiques, en cette dernière phase de guerre froide, vont cette année tenter d’envahir l’Afghanistan. Motif : le gouvernement local et communiste est en proie au soulèvement d’une partie de sa population. Durant 10 ans, les mujahideen afghans vont alors défendre leur terre avec acharnement contre les soldats rouges. Si près de 3 millions d’Afghans doivent quitter le pays pour rejoindre surtout l’Afghanistan voisin, les Russes, eux, perdront un dixième de leurs soldats avant de quitter, démoralisés, la terre des futurs Talibans. En parallèle, les Soviétiques se rallient à un autre pays musulman : le Yémen Sud. Un traité est ainsi signé entre les deux entités suite à la découverte de pétrole sur le territoire, mais difficilement partageable entre les deux régions. L’événement le plus marquant et le plus commenté sera évidemment la Révolution islamique figeant cette année l’Iran dans le temps. Montée au pouvoir des religieux, nationalisation des industries, exécution des opposants, proclamation par referendum de la République islamique ; l’Occident tremble. Ouvertement hostile au “Satan américain”, l’Iran des ayatollahs barre aussi la route aux Soviétiques qui souhaitaient avoir accès aux gisements de pétrole présents dans le Golfe Persique. Quand Jimmy Carter, président américain d’alors, accepte que le Shah déchu puisse se faire soigner à New- York, des Iraniens proches du régime prennent en otage l’ambassade américaine de Téhéran pendant 15 mois, gardant avec eux 66 otages. Si les aspirations sont chiites et propres à l’Iran, les mouvements islamiques et politisés du monde musulman entier vont y voir une source réelle d’inspiration. L’année 1399 va aussi être animée, et se clôturer, par un événement sans précédent dans l’histoire de l’islam : la fameuse et discrète prise de la Mosquée Sacrée de la Mecque par un groupuscule armé se revendiquant du Mahdi. L’événement, faisant couler le sang de centaines de musulmans, va démarrer le dernier jour de l’année pour véritablement prendre effet le tout premier jour de l’année 1400. Si bon nombre d’insurgés périssent – grâce à l’aide des capitaines du GIGN français dépêchés sur place – certains rejoindront les mouvements révolutionnaires armés de par le monde ensuite, quand ils ne vont inspirer directement les travaux de certains « théoriciens » du Jihad moderne.
Renaud K.
Pour en savoir plus :
- John L. Esposito, The Iranian Revolution : Its Global Impact, Miami, Florida International University Press, 1990
- Issa Meyer, Sarrazins N°1, “Hama’ 82”, 2018
- Amir Iskander, Saddam Hussein : le militant, le penseur et l’homme, éd. Hachette, 1980

Des idoles à La Mecque

La Révolte des Zanj
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